Et c’est tant mieux.
Regard azur et fleurs colorées, Mathieu Saikaly nous accueille droit dans les yeux avec le visuel de son premier album. Sans artifice, à la fois en noir et blanc et en couleurs, le premier contact avec l’album est emprunt de beaucoup de douceur.
A Million Particles s’ouvre sur un titre éponyme, une chanson pure dans sa forme, presque brute. Ainsi, les bases sont posées et ce premier album s’annonce sincère et personnel. Cliché cosmique est un titre estival, solaire et entraînant que l’on prend plaisir à fredonner. Un titre que l’on peut entendre si on allume la radio, cet été. Il côtoie à la fois les étoiles (le -cliché- cosmique) et la terre. Il nous emmène dans son périple. Je t’ai cherchée pourrait être un titre joué au coin du feu. Il se base sur le duo guitare-voix, une comptine rythmée qui puise sa force dans son déploiement, à la fois dans le texte et dans les arrangement. Il en est de même avec I Guess Yeah. Il s’étoffe au fur et à mesure jusqu’à s’envoler sur la fin. La multitude de voix, les clappements de mains, ce vacarme mélodieux donne le sourire et laisse un sentiment heureux, comme à la fin des vacances. Changing upside down est délicieuse. Radieuse et évidente comme une route de campagne baignée de soleil ou un dimanche matin ensoleillé, elle est d’une douceur indéniable. À travers ses mots (« so if you want some change, then do it now, because your mind is turning upside down ») et leur mise en musique, c’est notre esprit, qui se retrouve sens dessus-dessous.
Dans ces millions de particules, il y a différentes couleurs, des plus solaires aux plus abyssales. Dans l’espace intervient après le premier instrumental de l’album. Ce morceau offre une autre facette, plus complète tant le morceau évolue. Plus fragmenté dans sa composition, il semblerait radicalement différent du tout, pourtant on y retrouve ce qui nous a plu jusqu’alors. Aussi, Canvas s’avère être un titre sombre, il traite des mensonges, voit ses voix doublées et sa profondeur se dévoiler plus le morceau passe. Le vibraphone introduit Poison à la façon d’une musique de film, et laisse imaginer un cabinet des curiosités. Sa construction en trois temps en fait une valse entraînante, un tourbillon vénéneux. Son sous-titre (Berce du Caucase) fait référence à cet arbre phototoxique, à l’image des relations dont il est question dans la chanson. Les variations au sein du morceau font penser aux stades de ces relations complexes, jusqu’au pont musical qui marque la rupture avant l’accalmie de la reprise « le poison se glisse de tes lèvres à mes lèvres, on va et on vient comme la mer berce, un naufrage« . Grand fan d’Elliott Smith, ses influences se confirment avec From glass to ice. Ce titre traite de l’insensibilité d’une jeune fille avec beaucoup de poésie, que ce soit dans le texte ou dans la composition. C’est une chanson majestueuse et pure, dans le choix des arrangements, la façon dont les instruments interviennent pour tourmenter la structure du titre. Time Stops clôt l’album. Plutôt mélancolique à la première écoute, cette douce musique à nos oreilles devient vite une une obsession et résonne encore une fois l’album fini.
Dans l’ombre de mes pupilles, est un charmant duo avec Pauline de Tarragon (qui est issue aussi de la même émission). La guitare et les deux voix se croisent et se complètent à merveille. L’intime est là. Dans la proximité entre l’interprète et l’oreille qu’on lui prête. La voix est douce, posée et proche. Les mots (et maux) sont universels . Le pacte est scellé. Dans ce premier album qui mêle l’anglais au français, on trouve au détour de Pour Bubz une adorable déclaration d’amour, juste en guitare-voix (« je t’aime comme un ado, la même passion, le même idiot »).
Mathieu Saikaly choisit l’évidence. S’il a tout écrit et composé, il a confié la réalisation à Yann Arnaud (Jeanne Cherhal, Maissiat). Côté arrangements, la guitare acoustique prédomine tout au long de l’album. D’ailleurs, elle a une part importante dans les interludes opérés (Instrumental #1 et Instrumental #3 – le #2 étant présent sur l’EP). Ces deux parenthèses instrumentales viennent rompre le confort d’écoute qu’un album de chansons offre à son auditeur, pour notre plaisir.
De cette fabrication maison, il ne nous reste une fois le quatorzième titre fini qu’une impression. Ce premier album, aller simple pour une bulle hors du temps, donne furieusement envie d’être amoureux et que l’été n’en finisse jamais. Le véritable poison dans cette affaire n’est pas la sève de la berce du Caucase, mais bel et bien ces quatorze morceaux, dont il sera difficile de se passer.
Ça tombe bien, à la rentrée, il poursuivra sa tournée solo avec une prochaine date à Paris au Café de la Danse le 5 octobre prochain.
Par ailleurs, il est aussi lauréat du prix du festival d’Avignon Off avec Nicolas Rey pour leur spectacle « Et vivre était sublime ».
Crédits photo : Audoin Desforges & Ojoz
Merci à Nina (Polydor)